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jeudi 21 décembre 2017

CRISE ANGLOPHONE : ENTRE « LA TAPISSERIE DE PENELOPE »/ Guy Samuel NYOUMSI ET « LA BOITE DE PANDORE »

CRISE ANGLOPHONE : ENTRE « LA TAPISSERIE DE PENELOPE »
                      ET « LA BOITE DE PANDORE »
               

Voici bientôt plus d’un an que dure dans les Régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun, ce qu’il convient dorénavant de désigner  par le vocable «crise anglophone ».
               
Un an au cours duquel les démarches conduites au sommet de l’Etat ont certes fait bouger les lignes, mais à ce jour, n’ont pas contribué à faire taire les soubresauts, encore moins à éviter les dérives attentatoires à l’intégrité des personnes et des biens.
               
Les réponses apportées aux revendications de nos frères et sœurs du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont louables. Elles témoignent à l’envi de la volonté du Gouvernement de circonscrire la crise pour mieux la juguler. Mais, comment expliquer le statuquo actuel ou pire, la dégradation de la situation alimentée  par certaines sources qui avancent, à l’instar du journaliste Jean Marc Soboth, le chiffre effarant de « 28 000 camerounais déplacés, en fuite, en quête d’asile ou de refuge au Nigéria voisin ? »
               
L’adhésion d’une importante frange de la population du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au discours sécessionniste ne serait-elle pas avérée ? Non pas tant que les Régions sœurs anglophones soient convaincues de leur mieux-être ou de leur bien-être sous la « férule » sécessionniste dont les prouesses et actes de violence sont hautement répréhensibles, injustifiables, inacceptables ; en revanche, le  mal-être, les frustrations accqumulées, le ras-le-bol étouffé ou occulté militent pour qu’on y perçoive « la pierre d’achoppement » qui empêche la sortie de crise, voire le retour à l’apaisement.
               
L’acte majeur qu’il convient de poser au sommet de l’Etat ne consiste pas seulement à sécuriser, tâche que remplissent au demeurant avec professionnalisme et brio nos forces de défense,  mais à rechercher, en sus de la protection des personnes et des biens, les voies et moyens « d’un dialogue qui n’exclut pas les voix politiques discordantes de l’intérieur… ». De fait, l’enlisement de la crise a déjà démontré à suffire que la solution sécuritaire bien qu’indispensable, reste insuffisante. La raison en est simple : la sécurisation des deux Régions, en dépit de son caractère bénéfique est diversement appréciée. Elle est perçue par une certaine sensibilité de la population du cru comme une option répressive. Elle pourrait, si elle n’est pas accompagnée d’une solution politique majeure,  faire « le lit des extrémistes de tous bords » ainsi que le laissent entrevoir les récents  évènements de pyromanie ou d’assassinats sauvages perpétrés contre de valeureux éléments de notre police nationale et de nos forces de défense.
               
Afin que « les rentiers du chaos » et autres « fauteurs de trouble » ne prospèrent sur un terrain où « la fibre patriotique » demeure et ne demande qu’à être confortée voire consolidée, nous pensons qu’il est urgent et nécessaire d’envisager « un dialogue national inclusif  au cours duquel la Nation toute entière serait interpellée et mise à contribution pour écouter, entendre et comprendre « la cause » étouffée parfois occultée des populations des Régions sœurs du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et dans un élan fraternel sincère aviserait des solutions idoines ou se prononcerait pour dire à l’unisson et à haute et intelligible voix à la face du monde que « nous sommes ensemble », « nous sommes un et indivisible ! ». « Ensemble réparons les torts et avançons, car le meilleur est à venir ».
               
Dans l’intervalle, de considérables efforts ont été consentis par le Gouvernement de la République à l’endroit de nos frères et sœurs des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ils surviennent cependant sur le tard. C’est pourquoi ils s’apparentent à « la boîte de Pandore » où tout le bien qui en sort trouve en face, des antagonistes en charge de défaire « la toile tissée » aux fins de réparation, de compensation ou d’apaisement.
               
En effet, entre le train de mesures réparatrices, compensatrices, parfois bonificatrices initiées par le Chef de l’Etat dans l’optique du « retour de l’ordre républicain » dans les deux Régions et l’écho dissonant qu’elles rencontrent auprès des bénéficiaires, ne convient-il pas de s’interroger sur les véritables raisons de la surdité des uns, l’apathie des autres ou la tiédeur de l’approbation de bien d’autres encore ?
               
Peut-on mettre le climat délétère fait de désobéissance passive, de défiance clairsemée, de désapprobation muette des populations des deux Régions, sur le compte simple du règne de la terreur orchestrée par des donneurs d’ordre tapis à l’ombre des chancelleries occidentales ?
               
L’insouciance et l’irresponsabilité des populations des deux Régions sœurs quant à l’avenir de leur progéniture ou au devenir florissant de leur aire géographique se seraient-elles rendues à un point de non retour tel que toutes les solutions apportées ne pèseraient pour presque rien ?
               
A contrario, la réception enthousiaste des mesures présidentielles saluées par les élites du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avec force motions de soutien et de déférence à l’adresse du Chef de l’Etat, sans que la même jubilation ne soit manifeste au sein de la population, ne traduit-elle pas une fracture entre les élites et leur base dont on sait qu’elle est aux antipodes des discours laudateurs et enflammés vis-à-vis de la gouvernance locale et nationale?
              
Comment sortir de l’impasse actuelle ?
Qu’il nous soit permis de convoquer aux fins de méditation cet aphorisme qui veut « qu’aucune grande civilisation n’est attaquée de l’extérieur si elle n’est atteinte de l’intérieur ».
La batterie d’actes pris et de projets mis en œuvre par l’Etat du Cameroun dans les deux Régions en crise nous conforte à l’idée qu’on est conscient au sommet de l’Etat de la nécessité de mesures urgentes et concrètes.
               
Cependant, notre conviction est que si la crise anglophone perdure, c’est bien parce que « la parole, la voix du plus grand nombre de nos compatriotes anglophones peine à être entendue, comprise, débattue par les huit autres Régions sœurs ». Il est fort à parier que la solidarité et le partage perçus comme la reconnaissance par les huit autres Régions de « la légitimité de la cause soulevée par les deux Régions sœurs en crise constituerait une phase majeure du dégel de la situation confuse et contreproductive qui prévaut pour l’heure ».
               
Se savoir entendue, comprise, suffirait à sortir de l’ornière « la majorité silencieuse d’innocents » prise en otage par le dessein  désormais avoué de quelques professionnels de la déstabilisation, véritables épouvantails à la solde d’intérêts obscurs et sans lendemains.
               
« La vérité c’est ce qui simplifie ». De l’avis de la quasi-totalité des originaires des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le cœur de la crise qui se prolonge indéfiniment est intimement lié au refus d’une réflexion sur la forme de l’Etat dont « l’obsolescence » ou « l’inadaptation » n’a contribué qu’à accroître leur marginalisation et à freiner l’essor de leur aire géographique tout comme la consolidation de leur bien-être. 
               
Le sachant, pourquoi continuer à faire l’économie d’un dialogue national inclusif convoqué par le Chef de l’Etat et mis en œuvre par toutes les forces vives de la Nation ?
               
N’est-il pas légitime qu’après plus de cinquante ans d’indépendance une réflexion à l’échelle nationale soit conduite sur la forme de l’Etat avec un agenda de mise en œuvre des résolutions qui en émaneraient ?
« Il n’y a de permanent que le changement ». L’Etat a le droit et le devoir de se renouveler en revisitant son mode de gouvernance, l’opérationnalité de ses institutions, l’application de sa constitution ou la réflexion sur les modalités de son application.
               
D’où vient-il que certains esprits s’offusquent lorsque vient le moment d’explorer cette voie somme toute légitime, qui confère à l’Etat la capacité de se remettre en question, d’être à l’écoute du peuple et de remplir sa fonction de rassembleur ?
               
« La crise anglophone » loin de constituer un obstacle insurmontable, doit devenir une opportunité à saisir pour façonner nos institutions et réinventer notre mode de gouvernance afin que puisant dans nos traditions  et nos cultures séculaires de solidarité et de partage, la République du Cameroun puisse  répondre unie aux défis de la modernité dans le strict respect de son identité, de ses particularités, de son génie et de ses propres ressources.
               
La Grande Royale, personnage emblématique de l’Aventure Ambiguë de Cheik Hamidou Kane, faisait observer à son peuple (les Diallobés) que l’Occident a appris à « vaincre sans avoir raison ». Il faut que ceux qui dirigent nos peuples, se gardent de leur appliquer dans « un mimétisme d’arrière-garde » le mode opératoire de la colonisation : « l’art de vaincre sans avoir raison ». Un dialogue national inclusif intelligemment pensé, construit et conduit permettrait de « convaincre avant de vaincre ».


Guy Samuel NYOUMSI
Vice-président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN),
Président de Solidarité Africaine de France

Contact : gsnyoumsi@gmail.com

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