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mercredi 11 décembre 2013

L’éditorial de la Nouvelle Expression : A mon ami Biram, le militant

  L’éditorial de la Nouvelle Expression : A mon ami Biram, le militant
« L’esclave, qui n’est pas capable d’assumer sa révolte, ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Seule la lutte paie ». (Capitaine Thomas Sankara).

Lauréat des Nations-Unies pour les droits de l’homme. Mon ami Biram, félicitations. Je t’écris pour la deuxième fois. La première fois, tu étais dans les griffes d’un pouvoir féodalo-esclavagiste et raciste. On t’avait accusé d’autodafé sur des livres que le pouvoir et ses thuriféraires considèrent comme sacrés alors que toi, par ce geste, tu demandais le strict enseignement en Mauritanie d’un Islam universel tel que dit dans le Coran, et non la promotion de livres qui légitiment l’esclavage en Islam.

A l’époque, des ulémas et autres éditorialistes zélés avaient déversé sur toi, comme sur une poubelle, leurs crachats et leur bile. Ils avaient, très vite, prédit ta fin et celle de ton noble combat contre l’ignominie. Le pouvoir, tel un crocodile en possession de sa proie, s’était frotté les mains, croyant à la fin d’un militant gênant.

Je prends ma plume, cette fois-ci, pour t’écrire ces quelques lignes. Au moment où tu te trouves dans une autre posture et dans un nouveau décor. Comme Madiba Mandela (paix à son âme), comme le Président Jimmy Carter ou Martin Luther King, tu reçois, avec mérite, l’une des distinctions les plus prestigieuses au monde : le Prix des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme.

Au moment où tu reçois ce prix, tes amis, tes sympathisants, tes compagnons de lutte viennent de boucler 150 kilomètres, à pied, entre la ville de Boutilimitt et celle de Nouakchott. Une marche contre l’esclavage et l’impunité en Mauritanie. Tes amis ont marché contre notre société archaïque, esclavo-raciste, entretenue et soutenue par les pouvoirs publics.

Dieu merci, Allah – Celui Qui Voit tout et Entend tout – vient de rappeler à tes détracteurs que le mensonge a beau prendre la route à l’aube, il finit toujours par être rattrapé par la vérité avant la tombée de la nuit : les Nations-Unies, par le plus haut de ses représentants, reconnaît ton mérite et la justesse de ta lutte. Et par cette reconnaissance, cette Organisation administre une retentissante gifle à tes contempteurs. Une gifle donnée à la société mauritanienne qui excelle dans le faux et dans le mensonge éhonté. Mieux, cette gifle, destinée surtout aux tenants du pouvoir dans ce pays, les renvoie à leur irresponsabilité et leur iniquité.

Pays d’esclavage, de racisme et d’hypocrisie, la Mauritanie, toute honte bue, a ordonné que les drapeaux soient mis en berne, et décrété un deuil de trois jours suite à la disparition de Madiba. Quelle contradiction pour un pays qui, il y a à peine quelques semaines seulement, avait raflé le trophée d’Etat le plus esclavagiste au monde ! Célébrer Mandela, lui le Grand Combattant, qui a donné sa vie pour la dignité de l’homme, quel honneur ! Mais quelle contradiction, chez nous, alors même que la semaine dernière seulement un pan entier de notre peuple se rappelait le triste souvenir des pendus d’Inal, des suppliciés d’Azlat, des enterrés vivants, des écartelés entre deux voitures, des brûlés vifs, des émasculés de Jreida, d’Azlat, de Tiguent… !

Ceux qui se sont illustrés de la brutale des manières contre le peuple mauritanien, ceux qui perpétuent l’injustice, excellent dans le vol, ceux qui ont endeuillé des familles entières et dont certains tiennent encore le pompon en Mauritanie, qu’ont-ils à cirer de la disparition d’une icône mondiale qu’est Mandela ? Rien. Il ne leur fait ni chaud ni froid que ce digne fils de l’Afrique et du monde disparaisse, tout comme ils étaient insensibles quand ils donnaient, avec joie, la mort à leurs compatriotes et leurs coreligionnaires…

Mon ami Biram, pour ton prix, comme pour le problème de l’autodafé dont on t’avait accusé, des Mauritaniens sont instrumentalisés. Des attardés de la société « civilisée » de notre monde, à la solde de la Commission Nationale des Droits de l’Homme…, et un cadre du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme contestent le choix qui a été porté sur toi. Ces hommes et femmes - et leurs soutiens - veulent que l’ONU revienne sur sa décision. Comme si l’ONU leur avait demandé leur avis ou l’avis du régime qu’ils prétendent défendre. Ces pauvres défenseurs d’une « cause » qui rase les murs ont perdu une occasion de se taire et de se faire tout petits ; leur réveil, en tout cas, pourrait être agité. Très agité.

Quant à toi, n’en déplaisent aux ennemis de la Mauritanie égalitaire, le combat sera toujours couronné de succès. Sache qu’ils sont nombreux ces Mauritaniens qui cheminent à tes côtés pour une Mauritanie égalitaire, une Mauritanie débarrassée de l’esclavage et de l’injustice à tous les niveaux. Une Mauritanie où tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs. Des citoyens à part entière et non des citoyens entièrement à part. Cette Mauritanie sera, au grand dam et n’en déplaise aux courtisans de ce système qui a pris en otage ce pays et hypothéqué son devenir.

Mon ami, nous sommes impatients de te voir rentrer au pays en héros. Toi qui fais honneur aux victimes de la barbarie humaine ; toi le Combattant de la liberté. Sois fier de toi et continue de croire à la justesse de ton combat. Biram, le Haratine décomplexé, ton peuple t’attend. Ce peuple d’esclaves, de laissés-pour-compte, de victimes du système honni de l’iniquité.

Reviens vite, mon ami, pour redonner encore espoir à la plèbe et le bas peuple ; reviens-nous pour que tes détracteurs sachent qu’ils n’ont encore rien vu, pour qu’ils se convainquent que la peur est maintenant dans leur camp, le camp de ceux qui s’appuient désormais sur un support bien branlant.

Le grand militant avance, la tête haute… la victoire est proche maintenant. Mon ami, ne t’occupe pas des danseurs du ventre du pouvoir. C’est leur métier. Ils ont dansé sous Maaouya. Ils ont aussi dansé après Maaouya car le système se recycle. Ces derviches tourneurs n’échappent pas à leur destin : celui de danser ; encore danser, toujours danser…
Biram, mon ami, BRAVO !!
Camara Seydi Moussa

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