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mardi 8 octobre 2013

Affaire Noura: On réprime les honnêtes gens et on protège les criminels

On réprime les honnêtes gens et on protège les criminels

Ce qui se passe actuellement à Boutilimit est indigne d’un Etat qui se dit islamique, démocratique et respectueux des droits de l’Homme. Sans être partiale dans mon analyse, j’invite les citoyens mauritaniens de quelque ethnie ou race qu’ils soient de juger toute action à l’aune de la justice, celle que nous enseigne notre sainte religion. La justice, c’est le bien le plus précieux qu’Allah Soubhanahou Wa Taala s’est donné lui-même avant de demander aux hommes de l’appliquer. Voilà une jeune fille qui s’est présenté aux autorités de son pays sensées la protéger pour se plaindre de sévices qu’elle déclare avoir subi, en plus de pratiques esclavages dont elle se dit victime depuis 14 ans. La procédure dans ce cadre est connue. La loi impose aux autorités de convoquer les personnes interpellées par la plainte et recueillir leurs dépositions. Ensuite, une enquête devait être menée sur le terrain pour savoir qui des deux partis a raison, avant que l’affaire ne soit transmise au Parquet qui prend la décision qui s’impose. Tout cela a été occulté Dès que la plainte a été déposée, les personnes interpellées, des personnalités de la grande notabilité des Oulad Demane, dont un candidat à la mairie pour le compte du parti-état, de puissants commerçants, ont rencontré le commandant de gendarmerie de Boutilimit devant qui la plainte de la jeune présumée esclave Noura a été déposée.

La solidarité de race et de classe aidant, la fille a été grondée, apeurée, elle et son père, sommation leur étant faite de retirer la plainte immédiatement !
Imaginez une pauvre jeune fille de 18 ans, inculte et analphabète ainsi que son père, socialement infériorisé dans leurs gènes, en face d’un homme de loi, entouré d’hommes de loi et leurs anciens maîtres qui leur ont toujours fait peur. Le rapport de force est inégal. La plainte fut ainsi retirée en toute illégalité sous la contrainte, en violation flagrante des procédures judiciaires. Dans un pays normal, cet officier de gendarmerie devait être radié et présenté devant une Cour de justice. Rien de tout cela n’est arrivé.
Mais la fille refuse de lâcher prise. Elle prend contact avec IRA, une organisation antiesclavagiste et lui soumet son cas. Une deuxième plainte est déposée. La gendarmerie promet d’aller chercher les personnes interpellées par la plainte. Elle revient quelques heures plus tard et soutient qu’elle n’a pas trouvé les personnes en question. Ils ont disparu, voilà, le tout simplement du monde. C’était le 9 septembre 2013.
Le 12 septembre, la jeune Noura accompagnée du président d’IRA, Birame Ould Dah Ould Abeid se rendent à Nouakchott, et rencontrent le ministre de la Justice (aujourd’hui limogé).Noura réitère devant lui sa plainte contre la famille Ehel Emhammed qui l’aurait réduit à l’esclavage elle et sa mère, alors qu’elle n’avait que 4 ans. Le ministre hoche la tête, promet de lui rendre justice, puis prend le téléphone comme s’il parlait à un interlocuteur. Puis, il déclare que cette affaire suivra les procédures normales et que d’ailleurs deux hommes, parmi les huit personnes interpellées dont quatre femmes, ont été arrêtés. Pendant ce temps, les militants d’IRA avaient entamé un sit-in ininterrompu devant la brigade de Boutilimit de Boutilimit pour exiger l’application de la loi 048-2007 criminalisant les pratiques esclavagistes. Vers la mi-eptembre, la gendarmerie interpelle trois hommes de la famille, fait venir la fille à Nouakchott, établit un P.V d’audition et envoie tout le monde à Rosso.

Le Procureur s’absente et charge son substitut de s’occuper de l’affaire. Ce dernier la passe au juge d’instruction. Les militants d’IRA qui avaient pris d’assaut son bureau font pression. Finalement, le commissaire de police et le commandant de brigade de Rosso parviennent à les convaincre que l’affaire va suivre les procédures normales. Mais dès que les militants sortent du bureau du juge, ce dernier libère les hommes. Les femmes quant à elles accusées de délits de fuite, sans compter les autres charges, resteront toujours invisibles. Des échos évoquent qu’elles ont été soigneusement acheminés à Nouakchott et bénéficient d’une protection tacite des autorités. Comme IRA maintenait toujours la pression, le procureur de Rosso fut venir les femmes, puis toute la procédure est reprise de nouveau. Entre temps, le sit-in d’IRA est réprimé. Six militants sont arrêtés, deux vont à l’hôpital. Par la suite, quatre seront libérés et deux envoyés à la prison de Rosso. Les personnes impliquées par la plainte restent quant à elles tranquillement épargnées. Mais le sit-in d’IRA avait repris. Stoïques sont les militants d’IRA ! Cette forme de résistance continue d’ailleurs de dérouter le pouvoir sécuritaro-militaire de Nouakchott habitués à ce que les manifestants s’enfuient à leur approche !
Selon Birame Ould Dah Ould Abeid, le président Mohamed Ould Abdel Aziz serait intervenu directement dans cette affaire, lorsqu’il reçut dans son bureau de puissantes personnalités tribales de la famille Ehel Emhammed incriminée. Il leur aurait promis que l’affaire n’ira nulle part. Des instructions furent données dans ce sens. A la gendarmerie de Boutilimit, Noura sera de nouveau entendue. De ses propres aveux, son P.V a été falsifié. Après lui avoir lu l’intégralité du document où tout était mentionné, pratiques esclavagistes, sévices corporels, etc. elle soutient que le document a été par la suite falsifié et transformé en une simple bagarre entre une bonne et ses employeurs. Pire, dans la déposition des femmes, il semblerait qu’elles ont déclaré n’avoir engagé Noura que depuis deux semaines et que par la suite, elles ont découvert qu’elle était de mauvaises mœurs. Et pourtant, ces allégations peuvent être réfutées sur le champ par n’importe quelle petite enquête.

Alors que la famille Ehel Emhammed coulait une douce impunité (même les femmes qui étaient sensées être recherchées pour délit de fuite par la justice), une deuxième répression s’abat dimanche 6 octobre sur les militants d’IRA en sit-in. Cette fois, la violence avait dépassé les limites tolérées. Fidèles à leur philosophie de combat pacifique, les militants d’IRA sont restés stoïques, conforme à leur slogan «On nous tue, nous emprisonne, mais nous ne fuyons pas, l’hôpital, la prison ou la morgue est notre destinée». Vingt-cinq personnes seront arrêtées, six autres conduites à l’hôpital dont certains dans un état grave. Aux dernières nouvelles, tous sont revenus à la place du sit-in désormais baptisée «Place Noura». L’histoire de cette jeune fille commence à prendre des dimensions internationales. Selon IRA, elle occupera l’axe central de l’intervention de son président, Birame Ould Dah Ould Abeid, invité à faire une communication sur l’esclavage en Mauritanie devant la Commission européenne des droits de l’homme.

Cheikh Aidara

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