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lundi 3 juin 2013

Esclavage en Mauritanie : « L’indépendance présumée des juges ne sert en réalité qu’à protéger les esclavagistes et à leur assurer l’impunité » dixit Boubacar Ould Messoud, Président de SOS Esclaves



Les histoires d’esclavage en Mauritanie se suivent et se ressemblent. Inexorablement, l’issue de toutes les parodies de procès est la même : L’esclavagiste, quelque soient les preuves qui l’accablent est laissé libre en vertu d’une complaisante liberté provisoire que le juge prononce en sa faveur et la victime délaissée à elle-même pour aller souffrir le martyr quelques parts avec d’hypothétiques parents ou retourner d’où elle vient, faute de structures lui permettant de s’intégrer valablement dans la société. La récente histoire d’El Gawva Mint M’barek dont la fille a retrouvé au marché de Bassiknou son maître contre lequel elle a déposé en 2009 une plainte à la brigade de gendarmerie est éloquente à ce sujet. Isselkha Mint Sidi voulait juste que son ancien maître Sidi Ould Hbabe accepte de lui remettre sa maman Gawva Mint M’barek et ses fils, Sidi Ould El Gawva (8 ans) et Mabrouka Mint El Gawva (10 ans). La gendarmerie de Bassiknou arrête Sidi Ould Hbabe, mais sur intervention d’un influent militaire d’une puissante tribu locale répondant au nom de Sidi Mohamed Ould Ghalla, il décide de le libérer  après s’être engagé de ramener El Gawva et ses deux enfants. Lorsque le procureur de Néma l’apprit, il donna ordre à la gendarmerie de reprendre l’esclavagiste et les victimes et de les acheminer à Néma. Devant lui, El Gawva déclare qu’elle était la propriété du père de Sidi Ould Hbabe qui n’est selon elle que son frère de lait et dont elle use des biens à sa convenance. Visiblement, du n’importe quoi. Des propos que le maître confirme en ajoutant qu’il a demandé à Gawva de le quitter, mais qu’elle a refusé. Le procureur, sentant l’éternel montage que les maîtres apprennent à leurs esclaves chaque fois qu’ils sont devant les tribunaux, déclare ouvertement à Gawva et à son maître que leurs propos sont faux et complètement fabriqués. Envoyé devant le juge d’instruction, celui-ci a, comme d’habitude dans les affaires d’esclavage décidé de mettre Sidi Ould Hbabe en contrôle judiciaire au niveau de la brigade de Bassiknou et demandé à El Gawva d’aller où elle veut. Du ridicule. Une affaire dans laquelle, le maître et la victime reconnaissent ouvertement des pratiques esclavagistes à travers leur aveu qu’El Gawva était propriétaire du père de Sidi et que celui-ci l’a obtenue en héritage est aussi facilement liquidée en contrôle judiciaire et autres petites combines qui prouvent que la Mauritanie et ses appareils administratifs, de justice et de sécurité se mobilisent pour protéger les esclavagistes au détriment des victimes. En cela déclare Boubacar Messoud tout en colère : « « L’  indépendance » des juges que les pouvoirs publics citent à tout vent ne sert en réalité qu’à assurer l’impunité aux esclavagistes à travers la mise en liberté provisoire de tous les inculpés. Le parquet et le ministère de la justice se cachent derrière cette « indépendance » des juges pour faire échapper des criminels à leurs peines ». Depuis 2007, date de l’adoption de la loi, tous les accusés de pratiques esclavagistes qui se sont présentés devant les tribunaux ont bénéficié de libertés provisoires. Citons à titre d’exemples, l’affaire de Zouerate inscrite sous le dossier 21/2013 dans laquelle la cour d’appel de Nouadhibou a tout simplement mis en liberté provisoire M’Hamed Ould Brahim et son fils Mohamed Salem, malgré les preuves accablantes retenues contre eux de mise en esclavage pendant plusieurs années de Shoueida et ses neuf enfants. L’affaire du jeune Esseh Ould Messe (23 ans), dossier 374/2013 mettant en cause Mohamed Salem Ould Mouhamedou qui a été tout aussi mis en liberté provisoire. L’affaire 252/2011 dite affaire de Nouadhibou, la mise en cause Riv’a Mint Mohamed Hassoune a tout simplement été mise en liberté provisoire avec évocation par le juge de justifications fallacieuses. L’affaire Oumoulkhair Mint Yarbe et fils mettant en cause l’ancien colonel Viyah Ould Maayouf qui n’a même pas été convoqué par la justice. Le dossier 501/2011 communément connu sous le nom affaire Yarg et Saïd dans lequel l’esclavagiste Ahmed Ould Hassine qui, au lieu d’écoper des cinq ans et dix millions d’ouguiyas prévues par la loi n’a été condamné qu’à deux ans et deux cent mille ouguiyas avant d’être mis en liberté provisoire depuis un an six mois. L’affaire Rahma Mint Legreivi ; dossier 179/2013 dans lequel la mise en cause a bénéficié d’une liberté provisoire. Selon certains exégètes du droit, spécialistes de l’interprétation tendancieuse des lois, la constitution du délit d’esclavage est axée fondamentalement sur la démonstration de l’existence d’un travail forcé non rémunéré. Visiblement les faits avérés, la reconnaissance et la flagrance des transgressions ne valent plus. Sinon comment un juge de Néma devant lequel un présumé esclave a reconnu que ces personnes sont ses esclaves hérités de son père, peut-il ensuite lui accorder une liberté provisoire au motif d’être un bienfaiteur puisque l’un des enfants esclaves récite la Fatiha où que les autres dressés pour servir le maître pleurent en apprenant que celui-ci ira en prison ? L’attitude des juges en faveur des esclavagistes est normale eu égard que le Président par le déni de l’esclavage au moins par deux fois semble être le premier défenseur de ces esclavagistes. Dans un pays comme la Mauritanie, les faits, propos et gestes du chef constituent une source d’inspiration à tous les autres démembrements de l’Etat. Le zèle aidant, certains percevront ces attitudes comme des signaux forts pour faire ou ne pas faire quitte à tordre copieusement et continuellement le cou des lois et des conventions. Le refus incompréhensible aux sociétés des droits de l’homme spécialisées de opouvoir se constituer en partie civile dans les affaires d’esclavage n’est qu’une autre manifestation de cette absence de volonté réelle d’éradiquer ce phénomène. La confiscation de cette partie civile et son assujettissement à une institution dépendant de l’exécutif est une autre preuve on ne peut plus éloquente de contrôler effectivement la question de la gestion de la problématique de l’esclavage.

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