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mardi 2 avril 2013

Les autorités mauritaniennes et la question raciale en Mauritanie 2008 - 2013

La Mauritanie et les textes

La République Islamique de Mauritanie est un pays de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb Arabe ( le Maghreb n’est pas seulement arabe, comme la Mauritanie, il est aussi berbère et nègro-africain), d’une population d’un peu plus de trois millions, majoritairement noire, multiethnique donc pluriculturelle. Dans ce pays vivent les communautés Hratin, Beïdane, Peulh, Soninke, Wolof et Bambara. La Constitution qui est sa loi fondamentale dispose que « La République assure à tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale l’égalité devant la loi.

La liberté de circuler et de s’établir dans toutes les parties du territoire de la République ».

La Mauritanie est signataire des principaux traités et conventions relatifs aux Droits humains, notamment la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Convention des Nations Unies contre toute forme de racisme et d’exclusion, la Convention africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Mais dans le pays de l’esclavage, le principe selon lequel, «tous les hommes naissent libres et égaux» n’a pas de champs d’application, dans la gestion du quotidien du citoyen mauritanien.

Nous ne réfutons pas l’engagement de l’Etat mauritanien, à travers les textes juridiques nationaux et ceux le liant à la communauté internationale - cet engagement est formulé de façon claire et sans quiproquo - mais dans la pratique la Mauritanie est toute autre. Non seulement ça, il y a une législation et une jurisprudence prétendument islamique, et qui est un référentiel juridique et spirituel sacré pour les groupes dominants arabo-berbère, ce sont des codes d’esclavage et de traite des Noirs, une codification du racisme et de la discrimination contre la femme ; ces codes sont la base de formation des magistrats, des officiers de police judiciaire, des imams et des érudits, ces codes sont la principale source de loi en Mauritanie selon la constitution de ce pays ; donc il y a une cohabitation entre des lois modernes égalitaires et des lois anciennes foncièrement discriminatoires et oppressives, et, les lois anciennes, à cause du caractère sacré que les groupes dominants leurs prêtent et à cause de leur position dans la constitution, sont supérieures aux lois modernes et les suppriment aux yeux des juges en cas de contradictions, d’où la constitutionnalisation des inégalités en Mauritanie.

Les dimensions de la question raciale ou du racisme


La question raciale ou tout simplement le racisme qui est en cours comme système politique des tenants du pouvoir en Mauritanie est sociologique, culturelle mais aussi historique. En Mauritanie, ce sont des communautés qui partagent ensemble une même religion avec des différences comportementales qui impliquent une perception négative de part et d’autres. Ainsi, les maures pensent que leurs us et coutumes sont meilleurs que ceux des autres, et vice-versa.

Il s’est construit un certain nombre de préjugés et de jugements de valeur chez les uns et les autres. Ainsi, chez la communauté négro-africaine, un enfant nu est mal vu et surtout qualifié de fils de maure. Chez le maure, le noir est perçu comme un monstre. Pour faire peur à son enfant on lui dit « tu es foutu le noir arrive » (le noir affublé d’un vague sobriquet : « Gougouh »). Une manifestation d’un mépris à la racine qui ne peut favoriser une cohésion sociale ou un respect mutuel dans un même pays.

Avant d’aborder certaines questions spécifiques de notre propos, je dois vous dire qu’à la découverte de vos thèmes, j’ai compris que nous devrons nous situer dans l’histoire récente de notre pays durant nos discussions. C'est-à-dire le déroulé de l’époque Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Aziz l’actuel Président par rapport à la question raciale. A mon sens, c’est parce que ces périodes ou cette période avait constitué un espoir pour les victimes de la bêtise raciale mais aussi pour tout un peuple qui avait pensé au virage du pays vers l’élan de la justice et de la réconciliation. Alors, nous le savons tous, si Sidi et Aziz dans la vie de la nation mauritanienne, n’avaient pas existé on allait les inventer.

Car ces hommes ou cette période nous a permis de découvrir ce qui peut se faire, comment et quand, relativement à la question raciale que d’aucuns appellent la cohabitation…

Nous avons tous vécu dans notre chair un espoir déçu par une Mauritanie caricaturale héritière du système issu de l’école de Maouya Ould Sidi Ahmed Taya.

L’époque Sidi Ould Cheikh Abdallahi

Nous nous souvenons encore tous de ce débat télévisé entre les deux candidats arrivés au second tour de la présidentielle de 2007 : Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah. Le candidat Sidi avait manifesté sa ferme volonté de finir avec les blessures de l’histoire récente du pays et qu’il veillera sur l’égalité des citoyens sur tous les domaines. Arrivée au pouvoir, on a aussi en mémoire le discours du 29 juin 2008 du désormais Président élu. Il a reconnu d’une manière claire les atrocités dont a été victime la communauté noire du pays. En reconnaissant l’esclavage, une loi fut adoptée pour la criminalisation de ce phénomène. Il dit être le Président de l’égalité. Sidi a dit et a travaillé pour que les déportés retrouvent leur pays et leurs droits de citoyens. On sentait une nouvelle page s’ouvrir pour la Mauritanie et son peuple. Mais Sidi n’était pas le véritable détenteur du pouvoir. Résultat : ceux qui l’avaient aidé à s’asseoir sur le fauteuil présidentiel, sentant qu’il leur échappait, avaient fait de le renverser.

Aziz au pouvoir

Il serait superflu de revenir sur le comment ou le pourquoi de l’arrivée de l’actuel Président au pouvoir. Nous allons juste retenir que l’arrivée de Mohamed Abdel Aziz à la tête de l’Etat, apparaît juste comme la récupération d’un bien par son propriétaire. Mais on ne peut ne pas insister sur le fait que l’homme (le Président Aziz), qui se fait appeler le « Président des pauvres », a floué ce peuple durant sa campagne car, une fois installé, il nie l’esclavage et continue à régler, à minima, les autres dossiers, notamment le passif humanitaire, les déportés, etc. La quasi exclusion du Noir des sphères décisionnelles de l’Etat à travers les nominations est sans équivoque. Le document du mouvement FLERE et le Manifeste des Haratine sont plus qu’explicites quant à cette exclusion.

La gestion de la question raciale avec l’actuel régime n’est rien de plus que le retour à la politique démagogique de l’époque Taya, alors même qu’on ne peut construire un pays sur des plaies béantes comme le passif humanitaire, les déportés et l’esclavage. Voici des dossiers sur lesquels le peuple a été trahi mais savamment utilisé pendant le temps de la campagne.

Et voilà comment toute la Mauritanie continue de payer le prix des turpitudes de quelques individus. A cause d’un manque de volonté politique, les coupables ne seront pas de sitôt indexés pour qu’à jamais finisse l’amalgame qui entoure cette sombre histoire de notre pays. Que tout le monde, ici présent, sache que la bêtise raciale qui atrophie l’Unité nationale dans ce pays aujourd’hui n’est pas le fait d’une communauté, ni d’une tribu mais des hommes sous l’emprise d’une idéologie raciste dévastatrice des valeurs et des principes fondateurs d’un Etat de droit qui garantit l’égalité des chances des citoyens, égalité foulée au pied par une coterie d’individus que, malheureusement, Abdel Aziz continue de promouvoir et de soutenir.

Dans le système Aziz, le citoyen est identifié, qualifié et promu selon sa région, sa couleur, son ethnie ou sa tribu. C’est cette gestion hideuse des affaires du pays qui a fait et continue de faire de la Mauritanie le mauvais dernier dans tous les domaines. Voilà pourquoi la population mauritanienne s’est atomisée dans l’amalgame, accentuant le désamour du Mauritanien vis-à-vis de l’autre Mauritanien.

Un petit aperçu de la situation raciale de nomination dans les postes de responsabilité

Pour les nominations au gouvernement, je vous renvoie une fois encore au Manifeste des Haratin et au document du FLERE. Ces nominations restent l’apanage de quelques tribus du segment blanc de la Mauritanie, tandis que les autres, tous les autres, se contentent des miettes.

  • A la Banque Centrale : aucun poste de responsabilité pour les noirs ( ???????????????)

  • A la sécurité intérieure : des treize directeurs régionaux de la sûreté aucun noir et des 63 commissaires, seuls 6 sont noirs.

  • L’Armée, la Garde, la Gendarmerie et la Police sont constituées à 90 % de Noirs, presque tous de l’échelon inférieur dans le grade. Et le comble, c’est que quand vous parlez de ça, on vous qualifie de raciste.

  • La diplomatie ne peut être « noire », surtout concernant certains pays.

  • Toutes les banques primaires appartiennent à des groupes issus de la communauté beïdane.

  • Un électeur du département de Bir-Moghrein vaut plus de dix (10) fois un électeur de Sélibaby qui envoie en général un élément noir au sénat ; le collège électoral pour l’unique sénateur de cette dernière ville est de 215 conseillers municipaux alors que pour élire le sénateur d’Akjout, 31 conseillers suffisent. Le sénateur de Bir-Moghrein, lui, peut se faire élire avec 10 conseillers seulement. Ce sont là certaines des villes qui envoient en général des blancs au Sénat.

  • Contribution du journaliste Seydi Moussa Camara à la conférence du 30 Mars  à Massy

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