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samedi 1 décembre 2012

Allocation de M. Biram DAH ABEID à l’occasion de : La 5ème Session du forum des Nations-Unies ....



Allocation de M. Biram DAH ABEID à l’occasion de :
La 5ème Session du forum des Nations-Unies sur les Droits des Minorités à Genève en Suisse :
27-28 Novembre 2012

Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ;
Mesdames et Messieurs les représentants des Ong

Permettez-moi d’abord de vous faire part de l’honneur que j’ai de m’exprimer devant votre auguste assemblée. L’opportunité qui m’a été offerte d’être devant vous aujourd’hui, trois mois après ma sortie des geôles de la République Islamique de Mauritanie, témoigne de votre engagement en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme dans mon pays. Cela me réconforte dans mon combat de tous les jours et raffermit mon engagement en faveur du respect de la dignité de la personne humaine.
Mon intervention devant vous aujourd’hui, intervient deux semaines après la présentation par le gouvernement mauritanien de son rapport périodique sur les droits de l’homme devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.
Faut-il rappeler que le mobile de mon emprisonnement en compagnie de mes amis à partir du 28 avril 2012, a fait l’objet de toutes les instrumentalisations par le gouvernement mauritanien ainsi que par la délégation officielle qui est venue présenter ledit rapport devant les commissaires de l’ONU.
En effet, les érudits, les imams, les partis politiques, les magistrats et le pouvoir ;  bref l’essentiel des corps et cercles de leadership en Mauritanie – tous domaine exclusif de la minorité dominante arabo-berbère- ont mis l’accent sur le prétexte selon lequel, je portais atteinte à la sureté de l’Etat, raison pour laquelle j’ai été envoyé en prison. Cette tactique sournoise des autorités mauritanienne consistait à m’exclure de la communauté de destin, voire de l’existence sociale pour me punir d’avoir brûlé à titre symbolique, des exemplaires d’écrits de jurisconsultes de sociétés esclavagistes, datant du 9-15e siècles après JC. Ces textes d’exégèse prétendants interpréter le Coran et la geste du Prophète de l’Islam, ont conduit à la production d’un véritable code noir, d’essence racialiste, foncièrement anti humaniste, vecteur de stigmatisation et de violation des principes universels d’égalité à la naissance et en droit ainsi que la violation de l’esprit et de l’essence égalitaire et de justice du Coran et de l’enseignement du prophète. Ce corpus de l’ignominie, encore enseigné dans les écoles de mon pays, légitime, sur les corps des victimes noires, la castration, la vente, le viol et préconise le travail forcé; la doctrine qui en découle, sacralisée et défendue par les garde-chiourmes de l’orthodoxie, tend à devenir sacrée et s’érige, alors, en vérité incontestable, en dehors de quoi commence le blasphème, l’hérésie, l’apostasie.

Elle partage les musulmans en deux catégories, en maitres et en esclaves; de même cette représentation archaïque du monde, interdit à la femme toute fonction dirigeante dans la société, dont notamment la faculté d’exercer la fonction de dire la loi. Selon les promoteurs d’une telle vision de la vie, la gente féminine serait faible de nature, peu rigoureuse au jugement, incapable de trancher dans le sens de l’équité, congénitalement exposée à la tentation satanique. Ainsi, elle se retrouvent figée dans le statut de « mineure à vie », à cause de son sexe ; en parallèle mais découlant de la même source, l'esclave n’est plus qu’un objet, un bien meuble, à cause de son infériorité consubstantielle, intrinsèque dirait-on.
En conséquence, la classe politique et religieuse mauritanienne – en majorité de tendance esclavagiste – m’a très vite décrété apostat et condamné, prétextant que j’ai attenté au sentiment religieux des mauritaniens, porté atteinte à la sureté de l’État et osé appartenir, voire diriger une organisation illégale...etc ; La plupart des leaders politiques de mon pays, ont préconisé notre condamnation à mort, par l'application de la Charia.
Notre acte d’incinération symbolique de ces livres, relève d'une tradition de subversion et de contre- culture, bien enracinée dans l'histoire du monde arabo-musulman, dont se réclame la Mauritanie. Nous défendons que cet acte s’inscrit en droite ligne dans textes internationaux consacrant la liberté d’expression ; textes auxquels la Mauritanie est partie. Par un tel acte, nous avons voulu interpeler la communauté internationale en général et le monde musulman en particulier, sur deux faits importants: pour que
-          la Mauritanie mérite le qualificatif d’Etat de droit, elle devrait donc s’accorder, enfin, aux exigences du droit international où elle s’empresse souvent de s’engager, non sans tapage et mauvaise foi.

-          Ce pays doit aussi mériter son qualificatif « islamique » et ce en se conformant au commandement du livre saint, le Coran, à propos de l’équité, de l’égalité, de la justice, de la fraternité entre les humains, ainsi qu'aux enseignements du prophète Mohamed (PSL) quant aux devoirs de soutien pour les humbles, les opprimés, l'amour du prochain, l’éloignement du mensonge et du faux...etc
Hélas, chers amis congressistes, par les appels et incitations au meurtre contre nous, auxquels les segments dirigeants de notre société et de notre État, précédemment cités, se sont adonnés suite à notre acte de protestation, il s’avère que le slogan de la démocratie, de l’État de droit, le manège des ratifications des différentes conventions internationales, constituent des trompe-l’œil visant à faire bonne figure devant la communauté internationale,  sans jamais sacrifier au droit des gens. C’est de la duperie permanente dont la continuité s’alimente du double langage : en langue étrangère et devant des étrangers, le pouvoir mauritanien tient le langage policé d’une conformité irréprochable quant au respect de la dignité et à la liberté humaine ; en langue arabe et entre soi, il s’arcboute sur ses certitudes racistes et de caste et couvre son infamie sous le bouclier de la religion !!!
Mesdames et Messieurs, la prestation de la délégation gouvernementale mauritanienne, le 15-16 novembre 2012 devant le Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies au cours de l'examen périodique universel, étayent nos observations antérieures, jusqu’à la caricature.
Ainsi, au-delà des torts que les représentants officiels mauritaniens sont habitués à nous infliger, en nos qualités de démocrates et de défenseurs des droits humains, ils ont ajouté, durant leur exercice pathétique, un immense tort à l'Islam et aux musulmans, de par le monde ; ils ont fait endosser, à l’Islam, la persistance de toutes les injustices subies par des franges majoritaires mais démunies de la société à mauritanienne - malades du sida, femmes, esclaves, anciens esclaves ou Hratin, ethnies noires, etc. Le summum  a été atteint lorsque les représentants de la Mauritanie se sont réfugiés derrière "l’incompatibilité de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels avec les préceptes de l’Islam, religion de l’État et du peuple"  selon la Constitution. Il s’agit à notre sens d’une déclaration grave, inédite par sa violence et ce à quoi la communauté internationale devrait réagir avec vigueur et sans délai.
Sur le fond, le propos est non seulement faux mais aussi et surtout infondé car l'Islam est, de l'avis de tous les démocrates musulmans une religion de justice, d’égalité et de paix même si, dans des sociétés musulmanes, bien des milieux, et non des moindre, s’adonnent à l'injustice et instrumentalise la religion à cette fin inavouée. Or, les délégués de la Mauritanie devant le conseil des droits de l’Homme de l’ONU, soutiennent que "si l’égalité homme femme ne peut pas être réalisée, c’est Dieu qui l’a voulu ainsi"; il y a là une contradiction flagrante dans la politique des droits de mon pays.
On se demande pourquoi la Mauritanie n'a pas été, comme les autres pays musulmans qui, sans se renier sur le plan religieux, se conforment aux lois et conventions qu'ils ont ratifiées; pourquoi le gouvernement mauritanien adhère à des textes supérieurs à ses lois - y compris constitutionnelles – et s'engage à les appliquer, tandis que ses diplomates rejettent de telles références, pour incompatibilité avec l'Islam ?
Les membres du gouvernement qui ratifient, ne sont-ils pas du même Islam que ces diplomates?
Autre source d’inquiétude de notre part, la réponse de la délégation mauritanienne à la question des commissaires onusiens concernant les programmes de la Mauritanie contre le sida, ce à quoi  la  délégation mauritanienne répondit: Je cite : "l’État Mauritanien n’a pas de programme de lutte contre le sida autre que l’abstinence telle que prescrite par le Saint Coran". Cela se passe de commentaire, je vous laisse apprécier vous-mêmes.
Pendant ce temps, l'argent de la lutte contre le sida, octroyé par l'ONUSIDA a été dilapidé, par des cadres de la haute fonction publique et de prétendus érudits jurisconsultes, dans le cadre d’un plaidoyer et d’une sensibilisation souvent bâclés, pour ne pas dire inexistants. Le plus connu de ces scandales de corruption inter-tribale demeure impuni. Et, de surcroit, nos diplomates nous replongent dans l’aventurisme en matière de santé publique, quand ils prétendent lutter contre une maladie si gravissime par des arguments idéologiques.
Concernant l'esclavage, je nous voudrions d’emblée vous dire, que malgré leur pourcentage démographique(50%), qu’il y a de très rares haut fonctionnaires mauritaniens issus de la communauté servile ; ces descendants d’esclaves, dont je fais partie et dont fait partie l'ambassadeur de la Mauritanie à Genève, trois ministre du gouvernement sur trente, bénéficient de temps à autres de nominations à des postes qui riment avec la récompense quand on assume le faux témoignage sans trop de scrupule. C’est pourquoi les rares Hratin cooptés pour cette tâche, qui consiste à la négation des souffrances de leur communauté et s’évertuent, en vain, à étouffer la parole des victimes de pratiques esclavagistes par ascendance dont souffre directement plus de 20% de mauritaniens et pâtit, à titre incident, la majorité de la population. Ainsi le ministre chargé des questions de droits de l’Homme  et la mission diplomatique de Mauritanie se sont employés au déni des pratiques esclavagistes traditionnelles tout en soutenant l’actualité de l'esclavage moderne en Mauritanie !!! L'esclavage moderne n'est pas moins criminel et avilissant que l'esclavage traditionnel.
D'autre part, la mission diplomatique de Mauritanie à Genève, abrite une personne esclave ou d'origine esclave; cet individu se trouve sous le joug d'un fonctionnaire de l’ambassade, une femme qui serait son maître ou son ancien maitre; donc, à l'instar de l'ambassade de la Mauritanie à Paris dont le comptable, en catastrophe, a pu exfiltrer vers la Mauritanie une fille qu'il détenait comme esclave. D’identiques présomptions pèsent sur la représentation de la Mauritanie en territoire de la fédération helvétique.
Chers amis, cet incident qui s’est déroulé, devant le Conseil des droits de l’Homme de l’Onu le 15-16 novembre dernier, a révélé, sans intervention de notre part, donc de manière spontanée, le véritable visage du système de domination ethno-tribal en Mauritanie, de plus en plus tenté par l’instrumentalisation de l’extrémisme religieux pour retarder la fatalité démocratique en s’opposant aux aspirations de plus en plus véhémentes des nombreuses populations serviles, par des arguments obscurantistes. Par sa complaisance, son discours et ses attitudes, l’élite dirigeante mauritanienne, même si elle cultive des manèges et une façade démocratiques, elle nourrit, en dessous, toutes tendances confondues, des stratégies d’évitement, de confusion et de déception, de nature à entretenir une façade de respectabilité, afin de mieux contenir l’aspiration des Hratin, des noirs et autres laisser pour comptes, à la dignité, à la liberté et au bien-être, et ce dans un élan démocratique et rationaliste qui parcourt le monde et gagne les peuples.
En dépit du peu d’influence du pays, l’implication idéologique de ses élites, dans la préparation des esprits à une prise de pouvoir par les fractions de la société les plus perméables au terrorisme et à l’intolérance, ne saurait être sous-estimée et mérite un suivi vigilant. En ce sens, notre combat, contre l’esclavage, le fanatisme confessionnel, le sexisme et le racisme participe de la résistance – du monde libre - à la menace globale. Notre combat est l’avènement d’une Mauritanie où tout être humain est respecté indépendamment d’aucun fait particulier mais du seul fait de sa qualité d’être humain.
Notre combat est le vôtre ;
 Je vous remercie du fond du cœur de votre aimable attention !




Biram Dah ABEID, Président d’IRA-Mauritanie
Palais des Nations
Genève, Suisse

Palais des Nations

Genève, Suisse

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