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dimanche 18 mars 2012

L'éditorial : Situation des harratines : A qui la faute ?


S’il existe une communauté en Mauritanie qui vit quotidiennement la misère instaurée par les différents régimes qui se sont succédé, c’est bien la communauté harratine. En effet, victime de l’esclavage, de la discrimination pour ceux qui, semble t-il, en ont échappé, les harratines méritent une attention particulière de tous les mauritaniens. Entre le regard accusateur de certains et méprisant d’autres, la situation n’est guerre simple à gérer par cette communauté.

Malgré les lois en vigueur et les engagements internationaux de la Mauritanie en matière de lutte contre la discrimination, l’esclavage, la volonté politique ne suit pas.
 Objet de toutes les convoitises et de toutes les manipulations
 Objet de toutes les convoitises en même temps victime de toutes les manipulations en raison de son poids démographique important, la communauté harratine reste la plus vulnérable en Mauritanie. Cette vulnérabilité résulte du fait qu’une grande partie de cette communauté vit encore dans l’esclavage au moment où certains s’obstinent à nier son existence en préférant parler de séquelles. A cela, il faut ajouter l’impossible insertion de ceux qui ont réussi à échapper à ce crime contre l’humanité.
D’ailleurs, à cet effet, il est mentionné dans le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Mme Gulnara Shahinian du 24 août 2010 : « Après avoir analysé les entretiens menés avec des victimes de l’esclavage résidant à Atar et Rosso ou originaires de Nema, la Rapporteuse spéciale estime que les situations qui lui ont été décrites comportent les éléments clefs qui définissent l’esclavage ». Il faut rappeler que l’esclavage est défini à l’article premier de la Convention relative à l’esclavage de 1926 comme «l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux».
Les victimes ont décrit des situations dans lesquelles elles étaient complètement à la merci de leur propriétaire, en raison des menaces physiques et/ou psychologiques qu’elles subissaient; elles ne pouvaient prendre aucune décision ayant trait à leur vie de manière indépendante et « …sans la permission de leur maître; elles étaient traitées comme des marchandises – par exemple, des filles étaient données en cadeau de noces; elles étaient privées de liberté de mouvement, et elles étaient forcées de travailler pendant de longues heures pour une rémunération minime, voire sans aucune rémunération».
Dépourvus, pour la plupart, de papiers d’état civil, les harratines ne bénéficient pas des mêmes droits d’accès à l’éducation. En effet, ce dernier est perçu comme un droit fondamental pouvant permettre à la personne d’être en mesure de réclamer ses droits.
Car, il est communément admis que le droit à l’éducation est le principal outil qui permet de sortir de la pauvreté et qui donne aux enfants et aux femmes économiquement et socialement marginalisé la possibilité de participer à la vie de leur communauté. Il semble que cette vision ne soit pas privilégiée par les autorités mauritaniennes qui veulent maintenir cette communauté dans l’ignorance en obligeant ses membres à prendre leur état de naissance comme leur état de nature.
L’obligation de l’enseignement théoriquement consacré à tous les citoyens mauritaniens est ainsi appliquée de manière partielle et partiale. Alors que le comité des droits économiques, sociaux et culturels (comité du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturel auquel la Mauritanie est partie depuis 2004), prohibe toute discrimination.
« L’interdiction de la discrimination, qui est consacrée au paragraphe 2 de l’article 2 du pacte, n’est ni sujette à une mise en œuvre progressive ni tributaire des ressources disponibles : elle s’applique sans réserve et directement à tous les aspects de l’enseignement et vaut pour tous les motifs sur lesquels le droit international interdit de fonder l’exercice d’une discrimination quelle qu’elle soit » (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 13 § 31). Face à cette exigence, la Mauritanie ne semble pas fléchir. Officiellement la Mauritanie a aboli l’esclavage depuis 1981 et le 8 aout 2007 une loi criminalisant l’esclavage a été adoptée.
Selon SOS esclave « l’ordonnance de novembre 1981, proclame bien que « l’esclavage sous toutes ses formes est aboli définitivement sur toute l’étendue du territoire de la République Islamique de Mauritanie » (article 1er). L’article 2 précise : « Cette abolition donnera lieu à une compensation au profit des ayants droit ». Ainsi, cette loi contient, dans sa conception même, certaines raisons de son inapplication.
Car, reconnaître l'indemnisation des « ayants droit » (euphémisme pour désigner les propriétaires d’esclaves,) c’est reconnaître la légalité religieuse originelle de l’esclavage dans le pays» (SOS esclave Mauritanie, Esclavage en Mauritanie, rapport de 2001, Nouakchott, p. 7.).
Quant à la loi de 2007, elle ne permet guerre aux ayant droits victimes de l’esclavage de se constituer partie civile pour réclamer des dommages et intérêts. Autant de maladresse ou d’omission qui montre la mauvaise volonté des autorités mauritaniennes de combattre ce phénomène.
La Mauritanie doit donc accepter de faire face à ses démons pour trouver une solution idoine à cette pire forme de discrimination…

A suivre
Oumar Ba
Source : www.flere.fr


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