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lundi 26 mars 2012

Coordination des Associations et Collectifs Des Réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali






                                                               DECLARATION

Dans le cadre de la visite  le 25 mars 2012  à Rosso, du Général Mohamed Ould Abdel Aziz devenu  chef d’Etat de fait de la république islamique de Mauritanie, depuis son coup d’Etat du 6 aout 2008 contre l’ancien président démocratiquement élu Sidi Mohamed Ould cheikh Abdallahi, la Coordination des associations et collectifs des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali(CACRMSM), membre du Comité Inal, tient à s’adresser à la communauté nationale mauritanienne et à la communauté internationale. A cet égard , nous vous  livrons notre point de vue sur une visite placée sous l’égide du Général Mohamed Ould Abdel Aziz et qui est relative à la cérémonie officielle de clôture des opérations de rapatriement des mauritaniens déportés au Sénégal lors des événements de 1989. Ces opérations  qui ont démarré en janvier 2008 sont garanties par l’accord tripartite cosigné le 27 novembre 2007 à Nouakchott par l’Etat mauritanien, sénégalais et le Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés(HCNUR). Cette dite visite  à Rosso coïncide avec celle en Mauritanie  du Haut Commissaire des nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres. Le Général Mohamed ould Abdel aziz a fait une Allocution à  l’occasion de cette cérémonie de clôture,  en affirmant : « je  réitère notre engagement à aller de l’avant dans le règlement de toutes les séquelles du passif humanitaire.»  Les propos  du Général putschiste nous inspirent  la déclaration  suivante:
-Rappelant que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) lors de sa session à Alger, le 11 mai  2000 déclare qu’il y a eu pendant la période allant de 1989 à 1992, des violations graves  ou massives des droits humains  en Mauritanie tels qu’énoncés dans la charte Africaine. Cette dite commission recommande à cet égard à la Mauritanie entre autres : d’ordonner l’ouverture d’une enquête indépendante afin de clarifier le sort des personnes portées disparues…de traduire en justice les auteurs des violences perpétrée à l’époque des faits incriminés ; de prendre des mesures diligentes en vu de la restitution de leurs pièces  nationale d’identité  aux ressortissants mauritaniens auxquels celles-ci ont été au moment de leur expulsion, d’assurer le retour de ces derniers en Mauritanie, ainsi que la restitution des biens dont ils ont été spoliés au moment de ladite expulsion et de prendre des dispositions nécessaires en vue de la réparation des dommages subis par les victimes des événements susmentionnés
-Considérant que la déportation entre autres crimes est définie, par le tribunal pénal de Nuremberg de 1945 et par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée le 9 décembre 1948 à la veille de la déclaration universelle des droits de l’homme, comme crime contre l’humanité et elle devient crime de génocide dés lors où elle est commises dans l’intention de détruire en tout ou partie un groupe national. Cette définition est prise en compte par les articles 7 et 6 du statut de Rome où la déportation y est définie comme le transfert forcé de populations comme «  le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent  légalement, sans motif admis en droit international. »
Dans le contexte mauritanien les déplacements forcées des populations négro-mauritaniennes sont mentionnées dans les détails dans le rapport de la CADHP  de la session 2000 d’Alger« les forces de sécurité sont accusées d’avoir encerclé des villages, confisqué des terres et le bétail appartenant aux négro-mauritaniens et envoyé de force les habitants au Sénégal (cf. page 16 paragraphe 17).
-Rappelant, que selon les sources du HCNUR en ne tenant pas compte des chiffres concernant les rapatriements, 13500 réfugiés mauritaniens demeurent  au Sénégal et ils sont entre 9000 et 12 000 au Sénégal( cf. Aperçu  opérationnel sous régional 2012 Afrique de l’ouest- UNHCR).
-Considérant que près de 10000 réfugiés mauritaniens bénéficient actuellement, après une campagne d’identification commencée en mai 2011  et toujours en cours au Sénégal, d’une pièce d’identité de réfugié valant titre de séjour valable cinq ans. Ceci correspond à une reconnaissance pleine et entière du statut de réfugié aux mauritaniens déportés au Sénégal conforme aux conventions de Genève de 1951. Une reconnaissance qui  ferme la porte à toute application de la clause de cessation aux réfugiés mauritaniens au Sénégal qui depuis 1989 attendent ce moment. Il est arrivé que la Mauritanie ait envisagé la mise en application de la clause de cessation aux réfugiés mauritaniens du Sénégal, nous avons montré dans une de nos publications qu’une telle option n’est pas juridiquement acceptable concernant ces réfugiés qui avaient des raisons suffisantes pour ne pas accepter le rapatriement proposé dans le cadre de l’accord tripartite susmentionné. Ils  peuvent bénéficier,  à ce propos, de l’exception en la matière qui est contenue dans le libellé du paragraphe 5 de la section C de l’article premier de la Convention de 1951 et plus précisément dans le second aliéna. Et dont le premier aliéna stipule que « Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugié ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ». L’exception intervient ici, lorsqu’il est précisé dans le deuxième aliéna que « …Toutefois… les dispositions du présent paragraphe ne s’appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures ». Le principe qui sous-tend  cette exception est de façon générale de caractère humanitaire et qui conduit à admettre que très souvent par rapport à une personne qui a été victime ou dont la famille a été victime de formes atroces de persécutions, on ne saurait s’attendre de sa part qu’il accepte le rapatriement. Et, cela  même à supposer qu’il ya eu  changement de régime dans le pays, mais que celui-ci n’a pas nécessairement provoqué un changement complet dans l’attitude de la population ni dans l’état d’esprit du réfugié, en raison d’une expérience passée vécue encore douloureusement. La situation socioéconomique désastreuse des rapatriés du Sénégal  vivant aujourd’hui témoigne  en faveur des réfugiés qui ont décidé de sursoir à leurs rapatriements. Pour cause, selon la déclaration du 24 mars 2012 émanant du regroupement des victimes des événements de 1989-91 (REVE),  les auto-rapatriés de 1995-2005 au nombre de 35.000 personnes et ceux rapatriés  dés 2008 , sous l’égide du HCR et l’Etat mauritaniens qui représentent  près de 25000 personnes  auxquels il faut ajouter des milliers de révoqués et de licenciés « vivent une situation douloureuse aucune action respectant le droit n’a été entreprise visant à la restitution des terres confisquées, du bétail spolié, les indemnisations ou la réhabilitation des villages détruits… » Si l’on ajoute à cela la crise politique qui sévit dans le pays  compte tenu  d’une institution parlementaire en panne et dont le mandat est arrivé à terme depuis des mois et dont le renouvellement est renvoyé sine die. Une situation que vient compliquer la tentative autoritaire  d’un régime politique mauritanien qui réprime les organisations de la société civile, qu’il s’agisse de celles qui  militent contre les discriminations racistes  en matière de droits à la nationalité qu’on tente de refuser à des noirs mauritaniens authentiques ou celles qui se dressent contre la pratique de l’esclavage.  Un régime qui de surcroit, en soutenant  les mouvements  irrédentistes des pays voisins fait affluer des milliers de réfugiés dans la sous- régions et fragilisent ainsi des pays en proie déjà à d’énormes difficultés. Ces mouvements irrédentismes souvent alliés à groupes islamiques sévissent, comme on le sait, dans  la région sahélo-saharienne.
- Reconnaissant que le droit de toute personne de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans leur pays est un droit fondamental consacré, notamment par l’article 13 (2) de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme du 10 décembre 1948 et l’article 12 du acte international sur les droits civils et politiques du 16 décembre. A cet égard, on peut considérer que la clôture officielle des opérations de rapatriements par le gouvernement mauritanien en mars 2012 ne constitue pas en-soi  une impossibilité notoire  à un  quelconque déporté mauritanien  de demander à rentrer chez lui un jour.

De ce qui précède,  nous appelons la communauté internationale  à assumer ses responsabilités et de demander  au régime mauritanien  d’assumer ses engagements internationaux en termes de respect des droits de l’homme et de bonne gouvernance et de prendre la mesure du désastre humanitaire qui menace notre sous-région. Comment le général putschiste peut parler, dans le contexte où nous sommes « d’aller de l’avant dans le règlement de toutes les séquelles du passif humanitaire » comme en atteste son discours de Rosso. Il parle de « séquelles » du passif humanitaire, alors que jusque-là aucune  enquête pour établir les responsabilités  concernant les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide commis à l’encontre des négro-mauritaniens n’a été diligenté comme le recommande la CADHP ; Des milliers de réfugiés victimes des déportations  de 1989-91 sont encore au Mali et au Sénégal et attentent  que soient créées des conditions nécessaires  pour  qu’ils soient eux et tous les rapatriés  réhabilités dans tous leurs droits . En résumé, nous demandons à ce que toutes les recommandations de la  CADHP formulées à l’encontre de la Mauritanie lors de la session d’Alger en 2000 soient strictement respectées et appliquées. C’est la seule condition pour qu’une réconciliation nationale sincère soit possible en Mauritanie
                                                                        Moustapha Touré
                                                                                                             Dakar, le 26 mars 2012

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