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jeudi 20 octobre 2011

Lettre ouverte à M. Mohamed Ould Abdel Aziz,




Monsieur le Président de la République Islamique de Mauritanie,
Au terme de huit mois de guerre civile, les rebelles libyens viennent de mettre à mort Mouammar el Khadafi. Après plus de 42 ans de règne !
Il est temps, maintenant, que les armes se taisent. Il est temps, maintenant, que les Libyens mettent fin à leurs querelles pour pouvoir, tous ensemble, tourner rapidement cette douloureuse et tragique page de leur histoire afin de construire une nouvelle Libye meilleure. Une nouvelle Libye où, le vent de la liberté et de l’espérance soufflera pour toujours.
Au Jour dernier, Mouammar el Khadaf, sera jugé, comme tout un chacun, par le Très Haut. Que Dieu lui pardonne et le recouvre de sa miséricorde. Mais seule l’histoire dira si son long règne a été plus paisible ou non que l’avenir immédiat qui s’annonce au peuple libyen, aujourd’hui déchiré et ruiné par une guerre fratricide qui est aussi, jusque là, la plus meurtrière de son histoire.
« Il était une fois, au coeur du vieux monde un étrange pays dont l’Histoire était si longue qu’on l’avait oubliée. Ce n’était qu’un immense désert de cailloux et d’épines qui venait mourir sur la rive des Syrtes.
Sous le linceul de sable et de chardons reposaient des richesses inconnues et des ruines grandioses de cités de légende. Tous les chevaliers d’aventure qui avaient erré en ces lieux étaient passés comme de mauvais songes dans le bruit des canons et l’écho des batailles, puis s’étaient évanouis dans le lointain de cendre.
La ronde du soleil rythmait sans espérance la misérable vie des troupeaux et des hommes, lorsqu’un enfant naquit au foyer d’un berger. Un être hors du commun qui rêvait de changer le monde, de libérer ses frères de toutes les contraintes, de rappeler aux méchants la parole de Dieu et de restaurer la justice.
Le ciel le gratifia de fleuves de pétrole, la fortune, s’attacha { ses pas, « la baraka » le prit sous son aile. En quelques années, il bouscula les disciples d’Allah, provoqua l’Occident, inquiéta l’Orient, se joua de l’Afrique. Ses discours véhéments mobilisaient les foules, ses foucades déclenchaient sarcasmes et anathèmes. La rumeur l’accusa des pires turpitudes.
Apôtre ou démon, poète ou démiurge, vers quel destin Mouammar el Kadhafi, le berger des Syrtes, conduit-il son troupeau ? » Ainsi parlait Guy Georgy, ancien ambassadeur de France, dans un livre, paru chez Flammarion en 1996, qui est, peut être, la biographie de Mouammar el Kadhafi la plus précise dont on dispose.
Aujourd’hui, Guy Goergy, décédé en 2003 à Paris et Mouammar el Khadafi, auprès duquel Georgy fut accrédité pendant six longues années, qui avaient commencé au tout début de la Jamahiriya, ont rejoint, tous les deux, par des chemins différents, le royaume des morts. Mais, aujourd’hui, la tragédie que vit le peuple libyen doit inciter tout dirigeant africain ou arabe, soucieux du devenir de son « troupeau » à méditer, à chaque instant, la réponse à
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cette interrogation troublante : « Apôtre ou démon, poète ou démiurge, vers quel destin Mouammar el Kadhafi, le berger des Syrtes, conduit-il son troupeau ? ».
Il était une fois, aux confins de la savane africaine, un étrange pays fortifié par un vaste désert. Des tribus nomades belliqueuses y avaient trouvé refuge pour dresser leurs pavillons et faire paître leurs chameaux sur les plaines dénudées d’une terre, aux horizons sévères, sculptée par une érosion millénaire. Ce n’était qu’une immense solitude de dunes de sable, de roches et de cailloux, habitée d’arbustes clairsemés et rabougris, où jamais aucun homme n’a pu fixer sa demeure. Là, sur cette terre morte, tel un cadavre minéral, la vie des troupeaux et des hommes errants d’un point d’eau { un autre, d’un pâturage au suivant, était rythmée par les saisons. Là sous des chaleurs d’âtre, l’eau était si rare que les bédouins l’appelaient el rahme, c’est-à-dire bénédiction. Là, le désert est le seul roi de droit divin et les vents de sable sont ses ministres. Là, des civilisations conquérantes sont nées et se sont parfois mélangées, mais toutes ont disparu comme des mirages lointains.
Et pourtant, c’est de cette terre, au paysage lunaire, que des guerriers enturbannés, montés sur des méharis de race et des destriers célestes, iront brandir, au cri d’Allah Akbar, l’étendard de l’Islam en Afrique Noire.
Bilad el Tekrour puis Bilad el Beïdane, terre de rencontre entre des peuples noirs et des peuples blancs berbères, juifs et chrétiens, ce trait d’union africain, unique en son genre, est « sorti du monde des légendes pour entrer dans l’histoire » { la faveur d’une conquête : celle de Okba Ibn Nafi, qui, { la tête d’une armée de guerriers arabes syriens, va apporter, dans ces contrées arides, dès l’an 670, les premières lueurs de l’Islam. Ainsi, la foi aidant, les moeurs des Berbères aux visages rudes, aux tignasses sombres, vont-elles, petit à petit, se policer grâce à une discipline des plus rigoureuses.
En 1055, deux hommes, deux figures Berbères vont écrire, sur cette terre, les pages de l’histoire de l’une des plus glorieuses épopées de l’Islam et rendre { jamais célèbre le nom de leur Ordre : Al-Mourabitin (Almoravides). Ne vont-ils pas traverser le grand désert saharien, prendre Sijilmassa, bâtir la ville de Marrakech qui va donner au Maroc son nom, fédérer sous la bannière de l’Islam les Berbères du Rif et de l’Atlas marocain et constituer une armée de pas moins de cent mille guerriers, qui vont traverser la Méditerranée avec leurs chevaux, tams-tams, pigeons-voyageurs, lances, sabres, arbalètes, carquois, cuirasses et boucliers (exactement comme vont le faire, dix ans après eux, en 1066, les Normands, qui traversèrent la Manche, sous la houlette de Guillaume le conquérant pour vaincre l’Angleterre { la bataille d’Hastings) pour aller porter secours au roi Omar en Espagne dont les armées commençaient à ployer sous les premiers coups de la Reconquista ? Ainsi, les Almoravides ont-ils pu empêcher Tolède de tomber entre les mains des Rois catholiques et mettre en déroute les armées de Castille, de Léon et de Navarre, conduites par le roi Alphonse VI, sur la plaine de Zallaga, aux portes de Saragosse. Et in fine, les Almoravides vont s’installer en Andalousie et faire reculer de plus de trois siècles la reconquête des terres chrétiennes par les Rois catholiques. Mais ce passé est bien loin ! Très très loin !
Aujourd’hui, sur les rivages des Syrtes, un chêne a été abattu, parce que ses racines étaient pourries et parce qu’il n’avait pas la souplesse du roseau qui plie sous les vents les plus forts mais qui ne rompt pas.
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Et, nous en Mauritanie, quelles leçons devons-nous tirer de ces révoltes arabes dont nul ne peut préjuger de ce qui en adviendra demain, mais qui suscitent néanmoins une immense espérance.
Et vous, Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, Monsieur le Président, vous qui n’avez pas encore ni des fleuves de pétrole qui coulent sous le désert mauritanien comme sous ceux de Libye, ni la démocratie qui a pour vocation de garantir à tous les citoyens, d’une même collectivité, les mêmes libertés, les mêmes droits, les mêmes devoirs envers leur patrie, vers quel destin conduisez-vous votre troupeau ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, mes voeux les plus chers pour l’espérance de léguer un jour, dans un futur proche, à nos enfants, à nos petits enfants, à toutes les générations futures, une Mauritanie heureuse, prospère et unie où notre désert dépouillé depuis des millénaires, où notre vallée en friche depuis des décennies, redeviendront des espaces fertiles où il fait bon vivre.
Et pour cela, souvenons-nous de ces paroles bibliques :
 Pour voir le futur, il faut regarder derrière soi [Bible : extrait du livre d’Isaïe] ;
 Ce qui est tordu ne peut être droit, ce qui manque ne peut être compté [Bible : extrait de l’Ecclésiaste] ;
 Ce qui fut, cela sera ; ce qui s’est fait se refera ; et il n’y a rien de nouveau sous le soleil ![Bible : extrait de l’Ecclésiaste] ;
 La haine excite les querelles, l’amour couvre toutes les fautes [Bible : extrait du Livre des proverbes] :
 Tu es poussière et tu retourneras en poussière [Moîse : extrait de la Bible] ;
 Ecoutez donc ceci, peuple stupide et irréfléchi : avec leurs yeux, ils ne voient rien ; avec leurs oreilles, ils n’entendent rien ! [Jérémie : extrait de la Bible] ;
 Pour tous ceux qui vivent il y a l’espérance ; et même un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort [Bible : extrait de l’Ecclésiaste] ;
 Comme tu as fait il te sera fait : tes actes te retomberont sur la tête. [Abdias : extrait de la Bible] ;
 Quand tu donnes, tu dois donner de bon coeur [Bible : extrait du Deutéronome] ;
 Tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays [Bible : extrait du Deutéronome] ;
 Faute de vision, le peuple vit sans frein [Bible : extrait du Livre des proverbes] ;
 Nous, nés d’hier, nous ne savons rien, notre vie sur terre passe comme une ombre [Jérémie : extrait de la Bible] ;
Vive la Mauritanie !
Dr Deyloule, el Mauritani, Paris 20 octobre 2011

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