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dimanche 16 octobre 2011

Flamnet-Agora: Soudan –Mauritanie : même destin ?par Bara BA


altOn dit souvent que « comparaison n’est pas raison », n’empêche! je ne puis, malgré tout, résister  à la tentation de comparer le Soudan et la Mauritanie, tant  leur ressemblance me parait  frappante! Entre  la Mauritanie et le Soudan on  trouve beaucoup de  traits  communs, allant  de  l’espace à la géographie humaine, aux  politiques, stupides, mises en œuvre, que dictent des  idéologies  et  des  préjugés sous-jacents, tout aussi stupides. Deux   vastes  territoires, coupés en Nord et Sud, groupant  des  populations ethniquement  diverses, aux mœurs, cultures et  habitudes mentales différentes. Un Nord essentiellement peuplé par des Arabes, un Sud, majoritairement, peuplé de Noirs africains.
Deux pays qui souffraient de complexes et d’un problème d’affirmation, et peinaient à se  faire reconnaître dans leur identité  arabe (exclusive ), ardemment revendiquée par les gouvernants et des fractions importantes de l’élite politique et intellectuelle!
Deux  pays qui se situent sur la ligne de contact entre l’Afrique noire et l’Afrique « blanche » ( sémite) , entre Arabes et Négro-africains. La Mauritanie et le Soudan, à l’image de  tous les pays  de  cette zone de contact, du  Mali à l’Ethiopie en  passant par le Niger, n’échappent  pas aux  turbulences, aux  tensions et crises de coexistence  qui surgissent, périodiquement , comme de brusques poussées de fièvre, et parfois comme de formidables secousses tectoniques !
Crises et secousses dont la source principale est à chercher dans les  politiques nationales, inaptes à construire une réelle unité , menées depuis les indépendances à nos jours, fondées sur des  préjugés, profondément  enracinés, qui reposaient sur la croyance que les races humaines seraient inégales, que certaines seraient supérieures à d’autres , que les Arabes seraient supérieurs aux Noirs… ; croyance et mentalité que  traduit  toute la charge négative de mépris  contenue  dans le mot  (arabe )« jange » ! 
 A cause de ces  présupposés, absurdes,  qui fondent  ces politiques  ineptes , l’on  tourne  le dos  à  l’esprit  de tolérance, et l’on se refuse à prendre en compte la diversité –facteur  de richesses-, nous exposant, sans cesse,  à  la descente aux enfers, aux travers de  terribles excès observés , jusqu’ici,  tant au Soudan qu’en Mauritanie !
Au Soudan , le gouvernement du Général Al Bashir , soutenu  par  les faucons de son régime  et  par des Islamistes intolérants, chercha à islamiser , de force , les Sud soudanais , de foi chretienne ou  animiste !
Parceque les populations Sud -soudanaises   opposèrent  une résistance à son dessein , le Gouvernement du  président  Al Bashir, par le biais de ses généraux , pratiqua la politique de terre brûlée  pour  éliminer ou  chasser les populations du sud dont il ne voulait pas, et  récuperer, ainsi,  leurs  terres  qui, seules,  comptaient à ses yeux !
Son mépris pour ces populations décupla  avec la découverte du  pétrole sur le haut Nil , source de toutes les bavures et de tous les excès , dont  Achak Deng nous rapporte ici, quelque  illustration :
« Quand le pétrole fut découvert, en 1974  au Sud -Soudan, dans la région du Nil, Khartoum élabora une stratégie pour éloigner les populations noires de cette zone .
D’abord , à  travers des délégations, Khartoum suggera aux populations Nuer de quitter leurs terres, contre  indemnisations ou  compensations;  ce qu’elles refusèrent. Puis suivit la phase de menaces  du gouvernement de Al Bashir, mais rien n’y fit! Les murahaleen ou janjawides, équipés  d’armes automatiques par les soins du  Gouvernement , sont  alors envoyés,  pour intimider, piller , voler et violer , afin de  pousser  ces populations autochtones à quitter les lieux ; mais ce fut là encore sans succès !
Alors , un beau matin un régiment de l’Armée  entra dans le village , calmement prit position , et commença à tirer sur la population ; 32 personnes sont tuées , un homme est pendu .
Tranquillement  les soldats regagnent leurs camions et se retirent …. C’est la panique !  La zone  est  nettoyée .  Chevron pouvait, enfin , tranquillement pomper l’or noir »
Cette intolerance , ce peu d’interêt  que manifestait le Gouvernement soudanais pour les populations Noires autochtones, on les retrouve  aussi, en des termes plus ou moins identiques,  en Mauritanie.

Depuis l’indépendance de ce pays, les régimes arabo-berbères cherchent, obstinément , à transformer les Noirs Africains, en Arabes, par assimilation; en jouant  subtilement  sur la confusion entre Islam et Arabité ! en les forçant  à  l’usage  de  la langue arabe, instrumentalisée à souhait, à l’Ecole et dans l’Administration , au fin de  maintenir  et  perpétuer  le pouvoir « blanc »,  ou l’hégémonie de la seule composante arabo-berbère .  Les Négro- africains de Mauritanie sont , certes,  musulmans mais pas arabes, pour  disposer  de leurs propres langues et cultures millénaires, mais que méprisait le Pouvoir arabo-berbère !.
Ici  également, comme au Soudan , on  pratiqua la politique de terre brùlée,  pendant les évènements de 1986-1990 , suite à la publication d’un document qui dénonçait le racisme d’Etat en Mauritanie ; l’Armée sillonna  la vallée du fleuve pour intimider , piller , violer,  tuer   !  
Dans un petit hameau Peulh du département de Ould- yengé , - raconte un refugié-, les  habitants  furent , un jour de  septembre 1987, encerclés au petit matin, par une section de l’Armée mauritanienne; hommes et femmes  furent  sommés de se coucher à plat ventre . Les  mains liées derrière le dos , ils  furent  tous exécutés, puis  empilés dans une chaumière. L’information ne tarda pas à se propager , amplifiée par la rumeur, ce qui eut  pour effet , prévisible,  de créer la panique ; en  quelques jours les  Départements de Ould yenge et de  Kankossa se vidèrent  de  milliers de familles négro-africaines  qui fuyaient vers le Mali, voisin ! Elles y sont toujours par refus du Gouvernement de les rapatrier !
 L’objectif, –vider le sol mauritanien de  ces Noirs indesirables – , était atteint ! Tout comme il avait failli être  atteint  au  Fouta, où  l’Armee  encercla des villages , deporta, entierement, les habitants  vers le Sénégal ,  dans des conditions les plus humiliantes. Elle s’empara de milliers de têtes de vaches vendues à  Nouackchott , comme le bétail Dinka avait été razzié  et vendu au Darfur et à Khartoum ! Le Gouvernement mauritanien s’accapara de leurs  terres , occupa leurs  villages qu’il repeupla , exactement comme cela se fit au Sud -Soudan !
Au Soudan il y’eut  les milices Janjawides créées et armées  par le gouvernement , en Mauritanie  ce furent  quelques  franges haratines , inconscientes , téléguidées , qui avaient été dressées  contre leurs frères Negro- africains !
Avec le Gouvernement actuel du général ould Abdel Aziz , le même processus de dépossession des Noirs mauritaniens  était toujours en marche  ; par la spoliation de leurs  terres  vendues  aux  Saoudiens et aux  Soudanais . Le même objectif de négation ou d’élimination demeurait , à travers ce  recensement  de populations, à  caractère totalement raciste, qui visait les priver  de la nationalité !  Mais cette fois, au lieu  de recourir à la violence physique  comme avec  les déportations , le Gouvernememt   procédait de manière plus subtile, optant pour une  méthode  plus fine  qui  posait  les fondements légaux  de leur exclusion .
En Mauritanie comme au Soudan , on cherchait  à  préserver et perpétuer un Système qui servait les intérêts d’une seule composante nationale ; les  populations noires  ne comptaient  pas , seules comptaient  leurs  terres !
Comme on le voit donc , identité forte et profonde entre ces deux pays, qui semble se reflèter  jusque dans les rapports inter-personnels entre les deux généraux , au point   de faire de  Al Bashir  le  premier invité de marque  post investiture, en  2009;  comme si Aziz tenait à témoigner à son homologue considération  et solidarité, au mépris des  deux millions  de victimes du génocide soudanais; au  mépris de la sensibilité des Négro-africains !  
  Ce sont, sans nul doute , ces  secousses  et ces tensions récurrentes sur toute  cette ligne de contact , entre le Nord et le Sud,  affectant tant de pays  dont le Soudan  et  la Mauritanie, qui  faisaient dire à Cheikh Anta Diop ceci : «  Aussi longtemps que les Arabes qui vivent en Afrique se sentiront  plus attachés à leurs frères de race du Proche- orient qu’au reste de l’Afrique , nous aurons le devoir et le droit de nous défendre contre leur attitude raciste ».
C’est à croire qu’il s’adressait, précisement, aux mauritaniens…
Nous défendre nous dit-il ! Nous défendre ….
 De quelle manière ? C’est toute la question !
  Bara Ba ,
Dakar le 16 octobre 2011
www.flamnet.info

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