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mercredi 26 janvier 2011

Interview à la Tribune de Balla TOURE Président par intérim d’IRA – Mauritanie et Secrétaire Exécutif du FLERE




 La Tribune : Plusieurs semaines de détention et un procès à l’issue duquel vous êtes sorti condamné à 6 mois d’emprisonnement avec  sursis. Qu’est-ce que cela peut avoir comme effet immédiat sur votre engagement vous, Biram et les autres?


Balla TOURE : Je voudrais d’abord, au nom de tous les militants et sympathisants de notre mouvement, au nom du Président Biram et à mon nom personnel remercier toutes les personnes qui nous ont apporté leur soutien et se sont joints aux nombreuses voix pour dénoncer notre détention. Les responsables d’ONGs nationales et internationales de défense de Droits de l’Homme et ceux de nombreux partis politiques du pays, dès le début, comme d’une seule voix, ont dénoncé de façon ferme notre arrestation et exigé notre libération rapide et sans conditions. Que tous les braves trouvent ici l’expression de ma profonde gratitude.
Le procès qui a été organisé, au lieu d’être le notre, a été celui de la Mauritanie, celle de ses autorités qui continuent, malgré l’existence d’une loi criminalisant les pratiques esclavagistes, à tolérer voire encourager les groupes esclavagistes.
Nous sommes innocents. Lors du procès, notre défense l’a prouvé. Elle a, de façon brillante, pointé beaucoup de vices de forme qui ont mis à nu une procédure bâclée avec des accusations infondées et malgré tout, nous avons été condamnés.
Cette condamnation n’ébranlera nullement notre engagement en faveur des Droits de l’Homme en Mauritanie. Que les esclavagistes et leurs soutiens ouvrent les yeux et les oreilles, nous continueront à les attaquer où qu’ils soient en Mauritanie et quelque soit leur protection. Nous les poursuivront jusqu’à leur dernier retranchement et en cela, aucune police, aucune armée ne nous fera peur et sommes prêts à consentir tous les sacrifices que cette noble cause nécessitera.
Après notre libération, mes amis Dah O. BOUSHAB, Mouloud O. BOUBI et moi-même, accompagnés des autres membres de la Direction de notre mouvement, avons été à la rencontre des militants et sympathisants. Nous avons trouvé chez eux une grande détermination à continuer à combattre l’esclavage et toute forme de violation de Droits Humains. Alors, les arrestations et les emprisonnements n’auront pas d’effet sur notre engagement. Continuer à détenir Biram, Cheikh et Aliyine ne fera qu’augmenter notre détermination.
En effet, les questions de Droits Humains se posent avec équité en Mauritanie. Le FLERE, forum dont IRA-Mauritanie est membre fondateur avec cinq autres organisations, a publié le 21 novembre 2010, lors du lancement de ses activités, un document intitulé « Au pays de l’esclavage ou radioscopie d’un racisme d’Etat ». Ce document décrit ce que tout le monde connaît, une Mauritanie où l’esclavage se pratique pendant que les cas avérés présentés aux autorités (administratives, policières et judiciaires) n’aboutissent jamais à des procès, ainsi, il n’y a jamais eu de condamnations. Le document présente une enquête sur la représentativité des communautés du pays dans quelques domaines (gouvernement, administration territoriale, diplomatie, forces armées et de sécurité, éducation nationale, banques commerciales). Ces enquêtes, chiffres à l’appui, ont révélé que la quasi-totalité des pouvoirs en Mauritanie est détenue par la seule communauté beydhan au grand dam des populations noires (hratin, peulh, wolof, soninké et bambara). Je parle de chiffres, allez voir, ce matin même, dans n’importe quel ministère vous trouverez, aux postes de responsabilités (Directeurs, Conseillers aux Ministre ou chargés de missions), un nègre pour dix beydhans.
Vous savez comment vivent les anciens réfugiés rapatriés du Sénégal par l’ANAIR ? Ils sont devenus de nouveaux réfugiés sur leur terre natale, tout ce qu’on leur a promis est devenu du vent.
Alors que les terres continuent à êtres spoliées dans la vallée en faveur d’investisseurs étrangers affiliés à des hommes d’affaires soutenus par des cercles proches du pouvoir, les esclaves et anciens n’ont pas encore un droit de propriété sur des terres qu’ils exploitent et que leurs arrières-grands parents et parents ont exploitées au profit des maîtres et anciens maîtres.
Aujourd’hui, chez les populations noires de Mauritanie (hratin, peulh, wolof, soninké et bambara) le cumul d’humiliation et de frustration a atteint son summum. Sur ce registre, je ne vois point de différence entre la Mauritanie des années de braise, celle d’OULD TAYA et celle d’aujourd’hui, de Mohamed OULD ABDEL AZIZ.
Quand des institutions mauritaniennes contribuent à la violation des Droits humains, quand les mauritaniens meurent de faim et de soif, quand pour soigner un rhume chronique, les mauritaniens nantis n’ont de choix que de voyager loin (Sénégal, Maroc, Tunisie…) pendant que les pauvres attendent une hypothétique guérison dans des centres de santé bondés, quand des centaines de milliers de jeunes mauritaniens chômeurs croulent sous la misère pendant que les derniers publics sont volés à hauteur de milliards, quand…, il y’a certes des responsables à différents niveaux mais le premier responsable est bien sûr Mohamed OULD ABDEL AZIZ.
Les mauritaniens aspirent à plus d’égalité et de justice, ils le méritent. L’IRA-Mauritanie – une organisation laïque - exige ces vertus aujourd’hui et ici-bas. Pour ce qui est des comptes et bilans à l’au-delà, nous faisons pleinement confiance à Allah. L’Etat mauritanien ne devrait pas s’assigner la vocation à préparer la vie des citoyens après la mort mais plutôt à créer les conditions de justice et d’égalité entre les citoyens ici-bas. C’est le moment de signaler cette dérive grave qu’est le contrôle progressif de la police et de l’appareil judiciaire du pays par des groupuscules islamistes.  

     
La Tribune : Maouloud Ould Boubi, membre de SOS-esclaves qui avait été détenu puis libéré en même temps que vous, a dénoncé des conditions de détention et un traitement « inhumain » que la police vous a réservé. Qu’en est-il?


BT : Tout a commencé par une bastonnade que les éléments du Commissariat d’Arafat 1 nous ont appliquée sur l’ordre de leur commissaire Mohamed O. JAAFAR. Je le vois encore vociférer, sommant à ses éléments, qui hésitaient encore, de nous taper dessus. Ils se sont surtout acharnés sur mon ami Biram qui sous les coups de matraques et de rangers s’est retrouvé avec deux blessures à la tête et la jambe gauche bien malmenée. Aujourd’hui encore, il ne peut pas se tenir debout pendant cinq minutes tant sa jambe lui fait mal. Nous avons été jetés dans une cellule sale,  l’odeur y était insupportable et nous avons passé trois nuits et quatre journées à même le sol. Pendant les nuits, il faisait très froid, impossible de dormir sur le carreau nu. Nous avons été ainsi torturés pendant toute la durée de notre détention. 


La Tribune : Et si le président mauritanien décidait de décréter une amnistie pour vos autres camarades restés en prison et parmi lesquels Birame, quelle effet cela peut avoir sachant que Messaoud Ould Boulkheir avait justement interpellé le Président dans ce sens dans son discours à l’assemblée?


La seule grâce que nous sollicitons est celle du tout puissant. Comme je l’ai dit plus haut, dans un pays, sur chaque question publique, il y’a une chaîne de responsabilités. Mohamed O. ABDEL AZIZ étant le chef de l’Etat, il devrait être le garant de la liberté de l’institution judiciaire pour qu’elle ne soit pas inféodée à une quelconque autorité comme elle l’est aujourd’hui. Si la police, l’administration et la justice continuent à violer les lois votées par les mauritaniens, à travers leurs représentants au Parlement, il en va de la responsabilité directe du premier Magistrat du pays qu’est Mohamed O. ABDEL AZIZ., qu’il veille à l’application des lois.
Quand au Président OULD BOULKHEIR, nous l’avons trouvé là où nous l’attendions. Comme d’habitude, il s’est retrouvé du côté du Droit, aux côtés des faibles. C’est ici le moment de rendre un grand hommage aux justes de notre pays. Sans pouvoir citer tous, je voudrais bien rendre hommage à mes amis du mouvement Conscience & Résistance. J’insisterai, également, sur les noms du Président Boubacar MESSAOUD (SOS Esclaves), du Président Me Mine O. ABDALLAHI (LMDH) et de Mamadou SARR (SG du FONADH). Devant ces braves sieurs (je dis bien devant, pas derrière), il faut signaler l’engagement constant et permanent de charmantes dames. Je pense à Aminetou Mint EL MOKHTAR, Me Fatimata MBAYE, Lalla Aïcha SY et Aissata Satigui SY. Que celles et ceux que je n’ai pas cités veuillent ne pas m’en tenir rigueur. Ces hommages vont à l’adresse de toute la famille des Droits de l’Homme.       


La Tribune : Vous avez certainement appris le verdict du procès d’Oumoulmounine et des parentes des fillettes qu’elle aurait exploitées. Quel commentaire en faites-vous ? 


Même si cette condamnation est une première en Mauritanie, une fois de plus, la justice de notre pays a versé dans la facilité pour occulter la réalité. Cette femme a été bel et bien prise, la main dans le sac, il aurait été plus juste de la poursuivre pour pratiques esclavagistes.
Dans une démarche pédagogique, il aurait été judicieux de condamner les parentes des fillettes asservies à des peines de prison ferme, non seulement parce que leur complicité a été prouvée mais surtout pour donner un signal fort et décourager les complices potentiels de ce genre de crimes graves.
Nous continuerons notre combat, contre vents et marées. La justice mauritanienne et les autres autorités affiliées continuent à vouloir ignorer la réalité. Nous étudions sérieusement la possibilité de saisir, dans le futur, des instances internationales de justices et de Droit (la Cour africaines des Droits de l’Homme, la Commissions des Droits de l’Homme de l’ONU, la CPI…). La Mauritanie est liée à la communauté internationale par des accords et autres conventions, elle est tenue de les respecter au risque d’être pris pour un Etat paria.
Par ailleurs, je voudrais vous remercier pour l’occasion que vous m’avez offerte et surtout vous dire combien de fois votre travail était important. Sans la presse, notre action n’aurait pas eu d’écho pour alerter l’opinion publique. Je voudrais profiter de cette occasion pour rendre un vibrant hommage à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui consentent d’énormes efforts pour faire la presse.
Propos recueillis par KISSIMA

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